
Histoire de l'Espagne
Histoire et histoires !
Tout le monde a bien conscience de l'existence des deux sortes d'histoire : la petite histoire (des individus) replacée dans la Grande Histoire (de l'humanité).
Jusqu'à ce que nous regardions un replay sur Marc Ferro, nous ne faisions consciemment que ces deux distinctions. En effet nos conseils auprès des adhérents étaient toujours de replacer la vie des ancêtres dans le contexte historique. Mais en fait plusieurs manières d'appréhender l'histoire existent. Marc Ferro en distingue au moins quatre sortes (attention : ce qui suit est le résultat de notre interprétation du reportage, que nous espérons fidèle à la pensée de l'auteur) :
L'histoire séquentielle : narration des faits replacés dans l'ordre chronologique ;
L'histoire mémorielle : narration des faits sous des angles personnels, émotionnels qui peuvent donc être propres à chacun ;
L'histoire économique, politique, sociologique, ... : narration des faits sous des angles spécifiques de domaines particuliers ;
L'histoire analytique : met en parallèle toutes ces différentes manières d'appréhender l'histoire afin d'analyser les faits avec un prisme le plus large possible.
C'est ce que Marc Ferro, universitaire et historien français, décédé en avril 2021 à plus de 96 ans, s'efforce d'effectuer dans ses livres. Ayant vécu presque un siècle, il a traversé de nombreuses choses : l'arrestation de sa mère juive, la vie clandestine pendant la guerre, l'Algérie en tant qu'enseignant, la Russie, ... Il confronte ses propres vécus, souvenirs avec les évènements passés avec le recul de plusieurs années.
Quand on réfléchit bien, sans en avoir conscience c'est ce que la plupart des personnes s'intéressant à la généalogie effectue. On recueille la mémoire des personnes encore vivantes, on récolte des documents que l'on reclasse dans un ordre chronologique pour comprendre le séquencement du vécu (actes, dossier de naturalisation, archives série 4M, ...), on cherche des articles de journaux pour resituer dans le contexte historique, on s'intéresse aux lois pour comprendre ce que devaient effectuer nos ancêtres, et on mixte tout cela pour tenter de reconstituer l'histoire de nos ancêtres.
Préhistoire
L'Espagne est occupée par l'homo erectus depuis au moins 800 000 ans. Des restes d'homo erectus anciens de 300 000 ans ont été découverts à Soria et à Madrid. On note également la présence d'hommes de Néanderthal à Gibraltar entre 100 000 et 40 000 avant notre ère. Enfin, l'homo sapiens est présent dans la péninsule Ibérique à partir de 35 000 ans avant notre ère. On doit à ces homo sapiens les très célèbres peintures rupestres d'Altamira (Cantabrie). Elles ont été peintes entre 18 000 et 13 000 avant notre ère. Entre 8 000 et 6 000 ans avant notre ère, le paléolithique s'achève et laisse place au néolithique. De chasseurs cueilleurs, les homo sapiens deviennent progressivement agriculteurs. Ils développent les techniques de la pierre polie, de la céramique et du travail des métaux (cuivre, puis bronze, puis fer). L'un des exemples les plus connus en Espagne, est le village de Los Millares. Il a un cimetière de plus de 100 tombes. Ce village a été occupé entre 2 700 et 1 800 avant notre ère. On peut aussi visiter des vestiges de la période néolithique à Antequera (Malaga). Il s'agit de trois dolmens, qui constituaient des chambres funéraires. Ces monuments mégalithiques datent de 2 500 à 1 800 avant notre ère. Enfin, les îles Baléares abritent de nombreux monuments mégalithiques.
Antiquité
La péninsule Ibérique est peuplée par des populations indigènes (les Ibères provenant d'Afrique) qui occupent l'est et le sud de l'Espagne. Les Celtes s'établissent à partir du IXème siècle avant notre ère au nord et à l'ouest de la péninsule. Ces peuples se mélangent et forment un peuplement Celtibère. Les Phéniciens, Grecs, Carthaginois installent des comptoirs sur les rivages méditerranéens (de l'Andalousie, jusqu'à l'embouchure du Guadalquivir, à Cadix, Almuñecar, Algésiras, Malaga, Adra). Ils s'implantent également plus au nord, à Alicante et à Ibiza, aux Baléares. Les Grecs de Phocée et de Marseille, quant à eux, colonisent les côtes méditerranéennes du nord au sud (comptoirs d'Empurias et de Rosas). L'expansion grecque est brisée par une coalition de Carthaginois et d'Etrusques (535 av. notre ère). Entre le IIIème siècle et le Ier siècle avant notre ère, la domination carthaginoise est brisée par la puissance méditerranéenne montante : Rome. Les Carthaginois perdent la première guerre punique et décident de conquérir l'Espagne pour compenser leurs pertes. Hamilcar Barca parvient à imposer la domination carthaginoise sur l'ensemble de l'est du pays. La limite de la domination carthaginoise s'étend jusqu'à Barcelone, fondée par Hamilcar. Les romains arrêtent Hasdrubal, le successeur d'Hamilcar, en 227 av J.-C sur l'Ebre. Celui-ci fait alors construire la forteresse de Carthago Nova (Carthagène). La deuxième guerre punique est déclenchée en 219 av. JC par la prise de la ville de Sagonte alors alliée de Rome. L'armée d'Hannibal traverse les Pyrénées puis les Alpes pour gagner le nord de l'Italie. Scipion l'Africain reconquiert les anciennes possessions des carthaginois en 206 av. JC, mais après la bataille de Zama, en 202 av. JC, Carthage doit céder définitivement ses possessions espagnoles à Rome en 201 av. JC. Pendant la période qui suit, Rome soumet non sans difficultés les indigènes. Les dernières luttes sont marquées par le soulèvement de Viriathe en 147-139 av. JC et par la guerre de Numance et la destruction de la ville par Scipion Emilien (133 av. JC). La conquête de la totalité de la péninsule en direction de l'ouest (Galice, Asturies, Cantabrie) est définitivement achevée par l'Empereur Auguste en 19 av. JC. La péninsule Ibérique a joué un grand rôle dans l'expansion territoriale de Rome et son affirmation en tant que puissance méditerranéenne. Cette influence a également été marquée sur un plan politique dès le premier siècle avant Jésus Christ. Sertorius s'est révolté contre Sulla en s'appuyant sur les résistances indigènes; il a tenu tête à Pompée jusqu'à sa mort (72 av. JC). Les fils de Pompée ont lutté contre Jules César jusqu'à sa victoire à Munda en 44 avant JC. Auguste s'est occupé personnellement des ultimes opérations de conquête au nord de la péninsule. Au premier siècle de notre ère, le gouverneur Galba se proclame « légat du peuple et du sénat romain » dans la ville de Clunia avant de devenir empereur (68 ap. JC). Les empereurs Trajan et Hadrien sont nés à Italica, non loin de l'actuelle Séville. La péninsule est d'abord divisée en deux grandes provinces : l'Espagne Ultérieure au sud et à l'ouest et l'Espagne Citérieure au nord-est. Auguste réorganise l'Espagne Citérieure en 27 av. JC : il la divise en deux et crée la province de Bétique et la Lusitanie. Après sa conquête, la Galice est rattachée à la Lusitanie et les Asturies et la Cantabrique à l'Espagne Citérieure. La Galice est rattachée à l'Espagne Citérieure en 2 après JC. L'Espagne Citérieure devient à partir de ce moment la province de Tarraconaise. Cette organisation est modifiée à la fin du IIIème siècle de notre ère par Dioclétien, qui crée le diocèse d'Espagne. Entre les dernières conquêtes d'Auguste et les invasions barbares au début du Vème siècle de notre ère, la péninsule Ibérique connaît quatre siècles de paix. Pendant cette période, l'Espagne se couvre de voies romaines et de cités prospères. Les vestiges de l'architecture monumentale, aqueducs, ponts, théâtres, temples, etc, souvent très spectaculaires sont visible dans de nombreux sites. (Tarragone, Mérida, Ségovie, Cordoue, Italica, Clunia... etc). Les villes les plus importantes étaient alors Tarragone, Mérida, Cordoue et Séville. Les romains ont développé parfois à très grande échelle l'exploitation des minerais de l'Espagne (fer, plomb, étain, mercure, or, cuivre); c'est le cas des exploitations du minerai de cuivre du Rio Tinto ou des mines d'or de las Medulas. La péninsule ibérique a donné le jour à de grands auteurs tels que Sénèque, Martial ou encore Quintilien
Des invasions barbares à la conquête musulmane
La péninsule Ibérique subit des invasions barbares pendant le Vème siècle. En 409, les Vandales, les Alains et les Suèves, traversent les Pyrénées et ravagent la péninsule. En 412, l'empereur romain Honorius charge les Wisigoths, installés en Aquitaine, de rétablir l'autorité impériale. Ils refoulent les Vandales dans la province de Bétique (Andalousie). Les Alains sont repoussés en Lusitanie où ils fusionnent avec les Vandales. Les Suèves s'installent en Galice. En 419, le royaume Wisigoth, vassal de Rome, est fondé. Les Vandales, sous la direction de Genséric, s'emparent de l'Afrique (428-435). Les Suèves occupent alors la place laissée par les Vandales. Après 460, la péninsule n'est plus occupée que par les Suèves et les Wisigoths. Le Wisigoth Euric (466-484) parvient à conquérir tout le pays et à repousser les Suèves à l'extrême nord-ouest du pays (annexé en 585). Les Wisigoths sont expulsés de la Gaule en 507, après la bataille de Vouillé (victoire de Clovis sur Alaric II, successeur d'Euric). Il ne leur reste plus que l'Espagne. Elle sera réduite du sud en 554 (cédé à l'empereur Justinien). Le pouvoir wisigoth s'exerce pendant deux siècles sur le territoire. Le roi Wisigoth Récarède Ier se convertit au catholicisme en 587. L'Eglise prend alors de plus en plus de place dans le pouvoir royal. L'invasion des Maures en 711 provoque un effondrement immédiat et total du royaume wisigothique.
- L'Espagne musulmane du VIIIème au XIIIème siècle (les Maures) : En 711, quelques douze mille Maures menés par Tariq ibn Ziyad franchissent le détroit de Gibraltar. Les Maures écrasent les Wisigoths (menés par leur dernier roi Rodéric) lors de la bataille de Guadalete (non loin de Cadix). Cette défaite militaire provoque l'effondrement du royaume wisigoth. Deux ans plus tard, pratiquement toute la péninsule est occupée; elle fait désormais partie du califat. L'expansion maure est cependant arrêtée en 722 dans les Asturies à Covadonga, par des chrétiens conduits par Pélage (Asturies et Pays basque). En 732, c'est Charles Martel qui stoppe l'avancée des Arabes à Poitiers. Après cette date, les Maures se replient de l'autre côté des Pyrénées. Seuls de petits royaumes au nord de la péninsule échappent à la domination musulmane (monts Cantabriques, Pyrénées occidentales). En 756, le prince de la dynastie omeyade Ab-al-Rahman Ier est détrôné par les Abbassides. Il trouve refuge en Espagne, où il fonde l'émirat indépendant de Cordoue. Abd-al-Rahman III prend le titre de calife en 929. Le califat de Cordoue dure jusqu'en 1031. Ses institutions très élaborées (administration centralisée, législations judiciaire et financière) contrastent alors avec le morcellement féodal des États chrétiens d'Occident et lui assurent une grande prospérité économique. Sa marine domine la Méditerranée. L'irrigation est étendue, de nouvelles cultures (canne à sucre, riz, mûrier) sont introduites. Un important artisanat urbain (soie, cuir, métaux) se développe. Pendant la domination arabe, de nombreux chrétiens ont conservé leur religion : cette partie de la population est qualifiée de Mozarabe. Le califat de Cordoue a engendré une brillante civilisation matérielle et culturelle : la grande mosquée de Cordoue, dont la construction a été entreprise en 785, a longtemps joué le rôle de centre religieux et intellectuel. Au XIème siècle, l'Espagne musulmane se fragmente en une vingtaine de royaumes maures indépendants, les « royaumes de taifas » (Malaga, Grenade, Badajoz, Saragosse, Almería, Tolède, Valence et Séville).
La Reconquista

Certains territoires du nord de la péninsule (Galice,
Asturies, Navarre, Aragon) ont toujours échappé à la domination maure. Outre la
victoire semi-légendaire de Covadonga en 722 dans les Asturies, la première contre-attaque
sérieuse contre la progression maure est due à Charlemagne, qui a établi la
Marche d'Espagne (Catalogne). C'est pendant cette guerre (785-811) que se situe
l'épisode légendaire de Roncevaux, au cours duquel l'arrière-garde de l'armée
de Charlemagne fut attaquée et Roland tué.
750 : Les forces d'Alphonse Ier le Catholique, roi des Asturies, occupent la
Galice abandonnée par les Berbères.
778 : Une partie de l'armée de Charlemagne
est défaite à la bataille de Roncevaux par les Vascons ; mort de Roland.
785 :
Les Francs prennent Gérone.
801 : Les Francs prennent Pampelune.
929 : L'émir de Cordoue prend le titre de calife. Au Xème siècle, l'essor de l'Emirat de Cordoue empêche l'expansion des royaumes
chrétiens du nord.
997 : Al Mansour détruit Saint-Jacques de Compostelle, un symbole de la
résistance chrétienne. Le fleuve Douro sert un temps de frontière entre les
deux civilisations et se hérisse de forteresses. Après la mort d'Al Mansour
(1002 apr. JC), le Califat de Cordoue éclate en une vingtaine de petits
royaumes de « Taifas » ; ceux-ci font appel à la tribu des Almoravides
qui installent leur domination sur l'Espagne musulmane.
1064 : Croisade de Barbastro : des troupes venues de France - commandées par
Guillaume VIII d'Aquitaine - et d'Italie, interviennent à l'appel du pape; la
ville de Barbastro est prise en juin mais redevient musulmane l'année suivante.
25 mai 1085 : Alphonse VI de León prend Tolède qui devient sa capitale.
1086 : Les renforts des Berbères almoravides permettent de vaincre Alphonse VI
de León à la bataille de Sagrajas.
1094 : Le célèbre Cid Campeador conquiert
Valence. Le Cid, devenu un des héros légendaires de l'Espagne, s'est en réalité
créé un royaume au détriment des petit potentats musulmans.
19 novembre 1096 : Pierre Ier d'Aragon remporte la bataille d'Alcoraz qui lui
ouvre les portes de Huesca, dont il fait sa nouvelle capitale.
30 mai 1108 : Bataille d'Uclès, les troupes castillanes sont mises en pièce,
l'infant Sancho, héritier unique, trouve la mort.
24 janvier 1110 : L'armée musulmane est écrasée à la bataille de Valtierra.
1117-1118 : Conquête du royaume de Saragosse par les Aragonais et leurs alliés
Francs.
1119 : Prise de Tudèle, Borja, Tarazona et Soria.
1120 : Bataille de Cutanda remportée par les Aragonais et leurs alliés Francs
face à une très forte armée musulmane.
1125-1127 : Expédition du roi d'Aragon pour aider les Mozarabes de Grenade qui
assiègent la ville, mais il doit se replier, ramenant avec lui quelque 10 000
Mozarabes.
1137 : Alphonse VII de Castille et de León s'intitule « empereur d'Espagne ».
1148 : Prise de Tortosa.
1149 : Prise de Lérida.
1151 : Traité de Tudilén entre Alphonse VII de Castille, roi de Galice, de León
et de Castille, et Raimond-Bérenger IV de Barcelone pour partager les zones
d'influence et la conquête du sud et du levant.
1156 : Création de l'ordre
d'Alcántara.
1158 : Création de l'ordre de Calatrava.
1170 : Création de l'ordre de Santiago.
1177 : Alphonse VIII de Castille prend Cuenca.
1179 : Traité de Cazola entre la Castille et l'Aragon.
1180 : Alphonse VIII de Castille s'empare de Plasencia (Estrémadure).
1195 : Les Almohades, qui ont chassé les Almoravides, mettent un nouveau coup
d'arrêt à la reconquête chrétienne grâce à leur victoire d'Alarcon. Les
Almohades reprennent l'Estrémadure et ralentissent l'expansion vers le Guadiana
et le Guadalquivir.
Au début du XIIIème siècle, une coalition de princes espagnols et chrétiens
écrasent les Almohades lors de la bataille de Las Navas de Tolosa (1212). Les
musulmans ne détiennent plus que les provinces d'Andalousie, au sud de la
Sierra Morena.
16 juillet 1212 : La bataille de Las Navas de Tolosa est remportée par une
coalition d'Aragonais, de Castillans, de Portugais, de Français et de
Navarrais.
1229 : Alphonse IX de León prend Cáceres.
1229-1235 : Jacques Ier d'Aragon conquiert les Baléares.
1230 : Alphonse IX de León prend Badajoz et Mérida (Estrémadure). Il meurt peu
de temps après, permettant à son fils, Ferdinand III de Castille, d'unir
définitivement les deux royaumes.
1231-1288 : Protectorat aragonais sur Minorque.
1236 : Ferdinand III de Castille conquiert le nord de l'Andalousie et Cordoue.
1238 : Conquête du royaume de Valence par Jacques Ier d'Aragon.
1243 : Ferdinand III de Castille impose un protectorat au royaume de Murcie.
1237 : Les Aragonais remportent la bataille du Puig de Cebolla.
1246 : Castillans et Léonais prennent Jaén.
1248 : Ferdinand III de Castille conquiert prennent Séville.
1248 : Soulèvement à Valence.
1249 : le Portugal étend son emprise jusqu'au Guadiana
1264 : Grande révolte mudéjar en Andalousie.
1275 : Soulèvement à Valence.
1480 : Inquisition espagnole. Le pouvoir musulman est réduit au petit royaume
de Grenade qui recouvre les actuelles provinces de Malaga, Grenade et Almeria.
Le royaume de Grenade survit jusqu'en 1492. Dès le XIIIème siècle, l'essentiel
de la reconquête chrétienne est achevée, et c'est dans une expansion maritime
et méditerranéenne que se lance la couronne d'Aragon. Ces longs siècles de
lutte entre deux foyers de civilisation centrés autour de la religion
chrétienne et de la religion musulmane ont façonné durablement la culture
espagnole.
2 janvier 1492 : les Rois Catholiques prennent Grenade, fin de la Reconquista.
31 mars 1492 : Décret de l'Alhambra.

Prise de Grenade, par
Francisco Pradilla y Ortiz (1882) : Boabdil se rend à Ferdinand et Isabelle de
Castille
Les Rois catholiques et l'unité nationale

En 1469, le mariage d'Isabelle de Castille avec Ferdinand V d'Aragon, unit
leurs royaumes.
Cette unification est politique, militaire (conquête du Royaume de Grenade en
1492) et religieuse : l'Inquisition est réorganisée (1478) et la religion
musulmane est interdite. Christophe Colomb, soutenu par les rois catholiques,
découvre l'Amérique en 1492. Cette date marque le début de la constitution de
l'empire colonial de l'Espagne en Amérique. En 1494 : L'Espagne et le Portugal
se partagent le Nouveau Monde (traité de Tordesillas). À bien des égards, les
conquêtes américaines prolongent la Reconquista. Cette politique guerrière
s'exerce également en Méditerranée : en 1509, les troupes du Cardinal Cisneros
attaquent Oran et l'occupent temporairement. En 1496, Jeanne, la fille des Rois
Catholiques, épouse Philippe le Beau, fils de l'Empereur Maximilien d'Autriche.
En 1504, Isabelle la Catholique meurt ; Jeanne la Folle est l'héritière du
Royaume, mais Ferdinand est le régent du Royaume jusqu'à la majorité de Charles
le fils de Jeanne, né en 1500. La haute Navarre est conquise en 1512, l'unité de
l'Espagne est complète à cette date. A la mort de Ferdinand, son petit fils
Charles devient roi d'Espagne. Il hérite par Isabelle sa mère du Royaume
d'Espagne, mais aussi du Royaume de Naples, du Royaume de Sicile et de la
Sardaigne et des territoires américains. Après la mort de Maximilien de
Habsbourg, Charles Premier est élu empereur du Saint Empire Romain Germanique ;
il reçoit alors en héritage l'Allemagne, l'Autriche, la Franche-Comté et les
Pays-Bas. Charles Premier devient Charles Quint ; l'Espagne est désormais la première
puissance européenne et même mondiale.
Les Habsbourg
Charles
Quint tente d'établir sa domination sur le continent européen et soutient
plusieurs guerres victorieuses contre la France. En 1525, il vainc et capture
le roi François Premier et s'empare du Milanais. En 1520-1522, la révolte des
comuneros se produit en Espagne. Les Espagnols sont exaspérés par les
prélèvements fiscaux de plus en plus lourds imposés par l'entourage flamand de
Charles Quint. La révolte est écrasée dans le sang. Cependant, l'arrivée de l'or
d'Amérique permet à Charles Quint de financer sa politique européenne. Par
ailleurs, le protestantisme apparaît en Allemagne et commence à poser de
sérieux problèmes politiques. Charles Quint signe un compromis avec les
protestants en 1555 : la paix d'Augsbourg. En 1555, Charles Quint abdique le pouvoir
et se retire dans le monastère de Yuste. Son fils Philippe II (1556-1598) lui succède. Il
est né à Valladolid. Contrairement à Charles Quint, il est de culture espagnole
et c'est en Espagne qu'il passe sa vie. Sa politique est centrée sur l'Espagne.
Il reçoit en héritage l'Espagne et ses colonies, le royaume de Naples, le
Milanais, les Pays-Bas et la Franche-Comté. Par contre l'Empire échoit au frère
de Charles Quint, Ferdinand Premier d'Autriche. Philippe II choisit Madrid
comme capitale en 1561. Le règne de Philippe II est paradoxal : il marque en
même temps l'apogée de l'Espagne et le début de son déclin. Sur le plan
politique, le traité de Cateau-Cambrésis (1559) marque la domination espagnole
sur l'Italie. La victoire de Lépante contre les Turcs en 1571 semble marquer un
coup d'arrêt contre leur expansion en Méditerranée. Enfin, le Portugal est
annexé en 1580. L'apogée est politique, mais aussi culturel : le Greco décore
Tolède, Herrera achève la construction du palais de l'Escorial, Ignace de
Loyola fonde la Compagnie de Jésus. L'arrivée massive de l'or et de l'argent
d'Amérique provoque une crise économique en Espagne (inflation massive, ruine
de l'industrie locale).En 1588, la lutte contre l'Angleterre protestante, soutenue par les Pays-Bas,
échoue : l'Invincible Armada est détruite et la puissance maritime de l'Espagne
est anéantie. A la fin du règne de Philippe II, les Pays-Bas sont pratiquement
indépendants. L'Espagne ne parvient pas à conquérir et à conserver un empire
universel. Philippe II meurt en 1598. La décadence est déjà en cours. Les
derniers Habsbourg, Philippe III (1598-1621), Philippe IV (1621-1665) et
Charles II (1665-1700) n'ont pas l'envergure politique de Charles Quint ou de
Philippe II. Philippe III confie le pouvoir au duc de Lerma ; sur ses conseils,
les Morisques, population convertie au christianisme, mais jamais vraiment
intégrée, sont expulsés d'Espagne ; 275 000 d'entre eux émigrent en appauvrissant
d'autant l'Espagne. Philippe IV conduit une politique décentralisatrice. Cette
politique provoque des révoltes en Catalogne, en Sicile et à Naples, tandis que
le Portugal reprend son indépendance (1640), qui ne sera reconnue
définitivement qu'en 1668. Pendant le XVIIème siècle, l'Espagne soutient des
guerres continuelles, souvent loin des frontières de la Péninsule. Cette
période de déclin politique est en revanche un âge d'or culturel : c'est le
Siècle d'Or. Parmi les grands représentants de cette période florissante pour
les arts, on peut citer Cervantès, Lope de Vega, Calderón, ou encore Velasquez.
Les longues luttes de la Guerre de Trente ans (1618-1648) se terminent par les
défaites finales de Dunes (1639) et de Rocroi (1643), et en 1648, l 'Espagne
signe le Traité de Westphalie par lequel elle accepte l'indépendance des
Pays-Bas, après 50 ans de lutte ; l'Espagne perd également le Roussillon et
l'Artois, abandonnés à la France après le Traité des Pyrénées (1659) et
l'infante Marie-Thérèse épouse Louis XIV. Le successeur de Philippe IV, Charles
II est débile ; Louis XIV enlève à l'Espagne une partie de la Flandre (traité
d'Aix-la-Chapelle, 1668) et de la Franche-Comté (traité de Nimègue, 1678).
Charles II, n'a pas d'héritier. A sa mort, c'est Philippe, duc d'Anjou, petit
fils de Louis XIV et de l'infante Marie-Thérèse, qui hérite de la couronne d'Espagne.
C'est la période des Bourbons.
Les Bourbons - Napoléon et la Guerre d'Indépendance
Le pouvoir de Philippe V n'est assuré qu'après la longue guerre de succession
d'Espagne. L'arrivée sur le trône d'Espagne d'un Bourbon menace en effet
l'équilibre politique européen, lui-même menacé par une hégémonie de la France. Entre
1702 et 1714, une coalition de l'Angleterre, de la Hollande, du Danemark et de
l'Autriche lutte contre Louis XIV et Philippe V. Philippe V parvient à se
maintenir sur le trône, mais à l'issue de la guerre, l'Espagne est réduite à ses
seules possessions dans la seule Péninsule Ibérique : les Anglais ont annexé
Gibraltar en 1704, annexion officialisée en 1713 par le traité d'Utrecht ; l'Espagne a également perdu ses possessions italiennes. Philippe V est proclamé
roi d'Espagne en 1714. Son règne s'achève à sa mort en 1746. Après le succès
des Bourbons en Espagne en 1714, ceux-ci sont de fidèles alliés de la France
contre l'Angleterre. L'Espagne signe le « Pacte de Famille » avec les
Rois de France (1761) et intervient dans la Guerre de Sept ans en 1762-1763. En
1779, l'Espagne entre dans la Guerre d'Indépendance américaine aux côtés de la France et
des Etats-Unis contre l'Angleterre. Le roi Charles III (1759-1788) est un
despote éclairé qui conduit des réformes visant à moderniser l'Espagne. En
1767, les Jésuites, très influents jusque là, sont expulsés du pays et les
pouvoirs de l'Inquisition sont réduits. En 1788, Charles IV succède à Charles
III. C'est Godoy, le favori de la reine, qui gouverne. L'Espagne entre en guerre
contre la France Révolutionnaire entre 1793 et 1795. En 1796, le traité de San
Ildefonso signé avec la France contre l'Angleterre, reprend la politique
conduite antérieurement à la guerre franco-espagnole de 1793-1795. Napoléon fait entrer les troupes françaises en Espagne, dans le but d'attaquer le
Portugal. L'Alliance avec la France conduit à la destruction de la flotte franco-espagnole à Trafalgar en 1805. Napoléon profite de la mésentente entre
Charles IV et Ferdinand son fils pour proclamer son frère Joseph roi d'Espagne
(1808). La majorité du peuple espagnol refuse la domination française ; c'est la
révolte du « Dos de Mayo » et la répression du « Tres de Mayo » (2 et 3
mai 1808). Ces journées célèbres ont été immortalisées par le peintre Goya. Ces deux dates
marquent le début de la Guerre d'Indépendance, qui dure jusqu'en 1814. A cette
date, les troupes françaises sont refoulées au delà des Pyrénées par
Wellington. Le pouvoir monarchique est restauré.
Les troubles du XIX° siècle
Ferdinand VII remonte sur le trône jusqu'en 1820. La Guerre d'Indépendance a eu
comme conséquence d'entraîner des mouvements d'émancipation des colonies espagnoles en Amérique, qui commencent à proclamer leur indépendance (Argentine
en 1816, Chili en 1818 et Pérou en 1819). En 1826, l'Empire Espagnol d'Amérique
est définitivement disloqué. Par ailleurs, Ferdinand VII rétablit un pouvoir
monarchique absolu, rejeté par le parti libéral. Le XIX° siècle est une période
de troubles politiques en Espagne. Ces troubles s'expliquent en partie par la
perte de l'Empire colonial qui s'est brutalement effondré, alors qu'il
structurait l'économie espagnole depuis plus de trois cents ans. En 1823,
Ferdinand VII obtient l'aide de Louis XVIII qui envoie l'armée des Cent Mille
Fils de Saint-Louis pour le soutenir. Ferdinand VII meurt en 1833. Don Carlos,
le frère de Ferdinand VII s'oppose à partir de cette date à sa nièce Isabelle,
fille de Ferdinand. Celui-ci avait fait abolir la loi Salique en 1830 pour que
sa fille accède au pouvoir. Après six ans de guerre les libéraux d'Isabelle II
gagnent la première guerre carliste (1839). La régente Marie-Christine, après
un retour à l'absolutisme, doit cependant abandonner la régence au progressiste
Espartero qui gouverne entre 1840 et 1843. Le règne personnel d'Isabelle II se
déroule en 1843 et 1868. Espartero est contraint de quitter le pouvoir en 1843,
après le soulèvement de Narvaez. La deuxième guerre carliste se déroule en
1847-1849 ; cette guerre s'achève par la victoire d'Isabelle II, mais son règne
est marqué par de fréquentes alternances du pouvoir progressiste et des
modérés. Ce gouvernement s'achève en 1868 par le coup d'Etat militaire du
général Prim qui destitue la reine en septembre 1868. Le général Serrano
devient chef du gouvernement provisoire, tandis que le général Prim cherche un
souverain à l'Espagne. En 1869, les Cortes votent une Constitution progressiste, mais qui prévoit un roi. Amédée de Savoie accepte la couronne, mais abdique au
bout de deux ans car il est incapable de remettre de l'ordre dans le pays
(février 1873). L'Assemblée proclame la République (11 février 1873). La
troisième guerre carliste se déroule entre 1872 et 1876. Face au fédéralisme
anarchisant, le pouvoir devient rapidement autoritaire. En 1874, les Bourbons
sont restaurés. Alphonse XII, fils d'Isabelle accède au pouvoir ; il meurt à
l'âge de 28 ans, en 1885. Marie-Christine, son épouse attend un enfant, le
futur Alphonse XIII et assume la régence. Le XIXème siècle s'achève par le
désastre de 1898 : l'Espagne perd la guerre contre les Etats-Unis qui
soutenaient la rébellion dans les dernières colonies espagnoles de Cuba, Porto
Rico et des Philippines. Alphonse XIII, accède au pouvoir en 1902, à l'âge de
16 ans.
Le règne d'Alphonse XIII et la chute de la monarchie
La situation ne s'améliore pas pendant le règne d'Alphonse XIII. Les
gouvernements conservateurs et progressistes se succèdent. L'instabilité
politique est grande. L'Espagne reste neutre pendant la première guerre
mondiale et réprime durement les grèves de 1917. Après l'assassinat du
président du Conseil des ministres, Eduardo Dato, le roi accepte le coup d'Etat
de Primo de Rivera (1923) qui remplace le Parlement par un Directoire de
militaires et de technocrates; c'est la dictature. Primo de Rivera pacifie le
Maroc révolté depuis 1921 et instaure des réformes qui stimulent l'économie.
Cependant, ces réformes provoquent une crise financière et sociale, attisée par
les autonomistes et la tradition d'insubordination de certains officiers de
l'Etat major de l'armée. Primo de Rivera démissionne en 1930. Après les
élections municipales d'avril 1931, qui donnent la majorité aux républicains
dans les grandes villes, Alphonse XIII s'enfuit d'Espagne sans abdiquer et la Deuxième République est proclamée.
La II° République (1931-1936)
Une nouvelle Constitution est adoptée en décembre 1931. Niceto Alcala Zamora
est élu président de la République. L'opposition de l'armée au nouveau régime
est forte. La réforme agraire, en particulier, provoque une importante opposition de
droite. De nouvelles élections ont lieu en novembre 1933. La droite les
remporte et écrase tous les mouvements révolutionnaires, séparatistes ou
sociaux : la répression est très dure contre la Catalogne qui a proclamé son
indépendance en 1934 et contre les mineurs des Asturies. Le Front Populaire
remporte les élections de 1936. La droite n'accepte pas la défaite.
La guerre civile (1936-1939)
Après les élections du 16 février 1936 qui ont vu la victoire du Front
Populaire, la phalange de José Antonio Primo de Rivera, associée aux carlistes
du général Mola et aux royalistes, se regroupent sous la direction de Sanjurjo
et de Calvo Sotelo. Ce dernier est assassiné par des officiers de police, ce
qui déclenche le soulèvement de Melilla au Maroc le 17 juillet et dans l'ensemble
des garnisons d'Espagne le 18 juillet. C'est le général Franco qui prend la
direction du mouvement après la mort du général Sanjurjo dans un accident
d'avion. La guerre civile durera jusqu'en mars 1939. Franco et ses troupes
nationalistes franchissent le détroit de Gibraltar ; Franco se fait proclamer
chef suprême du gouvernement espagnol à Burgos le premier octobre 1936. Il
reçoit l'appui de l'Allemagne nazie et de l'Italie fasciste de Mussolini. Les
républicains sont très faiblement appuyés par la France et l'Angleterre ; ils
reçoivent un soutien de l'URSS. En 1936, Franco lance une attaque contre
Madrid. Il échoue, mais les nationalistes contrôlent rapidement les campagnes
conservatrices d'Andalousie, de Castille et de Galice. Les républicains sont moins
nombreux que les nationalistes et ils sont divisés en courants communistes et
anarchistes. En 1937, les nationalistes prennent les villes industrielles du
nord. Le bombardement de Guernica par l'aviation allemande est un des épisodes
les plus célèbres de ces combats. Le gouvernement républicain se replie à
Barcelone en novembre. La bataille de Teruel tente d'isoler le front
nationaliste d'Aragon. En 1938, les Nationalistes atteignent la Méditerranée et
coupent les territoires républicains en deux. La bataille de l'Ebre provoque la
déroute de l'armée républicaine de l'Est. La Catalogne est occupée par les
Nationalistes en 1939. Madrid est prise par Franco le 1er avril 1939. C'est la
fin de la guerre d'Espagne.
Franco (1939-1975)
L'Espagne reste neutre pendant la seconde guerre mondiale, mais les vainqueurs
de la guerre isolent Franco. L'Espagne suit alors la voie de l'autarcie qui
retarde la reconstruction du pays. La loi de succession de 1947 prévoit le
rétablissement de la monarchie. A partir de 1957, l'Eglise et l'Opus Dei
occupent une place importante dans l'orientation du régime. La Guerre Froide
permet à l'Espagne de devenir l'alliée des Etats-Unis qui ont besoin de bases
militaires dans la Péninsule Ibérique. L'Espagne adhère successivement à l'Unesco
(1951) à l'ONU (1955) et à l'OECE. L'Espagne se modernise rapidement à partir
des années 50.
La transition démocratique
Juan Carlos est nommé successeur de Franco en 1969. Il devient roi d'Espagne le 20 novembre 1975, à la mort de Franco. Après celle-ci, l'Espagne s'oriente rapidement vers une transition démocratique. Le roi Juan Carlos 1er et Adolfo Suarez, le premier ministre, dirigent la transition. Une nouvelle constitution est adoptée en 1978. La reconnaissance de l'autonomie des régions se met en place : le statut d'autonomie du Pays basque et de la Catalogne est acquis en 1979; celui de la Galice en 1980 ; celui de l'Andalousie en 1981. Le 23 février 1981, le lieutenant-colonel Antonio Tejero fait une tentative de putsch militaire, mais échoue grâce à l'intervention du roi. Cette tentative de coup d'Etat est un véritable test pour la jeune démocratie espagnole, qui résiste. En 1986, l 'Espagne est admise dans l'Union Européenne.
Les années 90 sont marquées par l'accueil d'événements culturels et sportifs, tels que les Jeux Olympiques à Barcelone, l'exposition universelle à Séville et Madrid capitale européenne de la culture. Cette décennie est aussi celle de la revendication pour exiger la condamnation publique du régime franquiste et la reconnaissance de ses victimes. Ce mouvement de contestation finira par donner naissance au début des années 2000 à l'Association pour la récupération de la mémoire historique (ARMH). Depuis cette période, des fosses communes sont exhumées chaque année, rouvrant les plaies de la guerre, mais permettant enfin à de nombreuses familles de donner une sépulture à leurs morts.
L'année 2007 est marquée par le vote de la Loi sur la Mémoire Historique destinée à la réparation matérielle et symbolique des victimes du franquisme et leurs descendants. Pendant deux ans, les enfants et petits-enfants de Républicains espagnols ont eu la possibilité de déposer une demande de nationalité espagnole. La loi sur la mémoire historique s'engage également au retrait des symboles du franquisme (rues débaptisées, portraits et statues de Franco retirés, etc.). Plus récemment ce sont les Juifs Séfarades, dont les ancêtres furent chassés d'Espagne il y a 500 ans, qui peuvent demander la nationalité espagnole. La loi votée le 10 juin 2015 fixe une série de critères permettant de déterminer l'origine séfarade des candidats.
Le 18 juin 2014, Juan Carlos abdique en faveur de son fils, qui devient Felipe
VI.